Masters de droit à l’université : comprendre les critères de sélection des candidats
Le droit fait partie des matières les plus convoitées des étudiants. Mais en master, il n’y a pas de places pour tout le monde. Entre la fin de mars et la fin de mai, les campagnes de sélection pour intégrer un master de droit à la rentrée 2022 battent leur plein dans les universités. Depuis l’adoption de la loi ORE, entrée en application entre les rentrées 2017 et 2019 dans les facultés de droit, les étudiants en fin de licence n’ont plus un accès automatique à un master 1 ; la sélection s’opère désormais à ce niveau et non plus à l’entrée en master 2.
La sélectivité des masters en droit varie en fonction des mentions, des parcours, des universités. A Paris-I-Panthéon-Sorbonne, le master droit privé, l’un des plus demandés en France, a reçu, pour la rentrée 2021, 3 200 candidatures pour 95 places. A l’université de Bordeaux, les huit masters touchant au droit des affaires et les cinq masters droit pénal et sciences criminelles ont reçu, à eux deux, autour de 8 000 candidatures à la dernière rentrée, pour respectivement 198 et 115 places dans ces deux domaines. A contrario, d’autres masters sont moins sélectifs, « comme l’histoire du droit des institutions », explique Jean-Christophe Saint-Pau, doyen de la faculté de droit de Bordeaux.
1 – Les notes, pivot de la sélection
Les notes, en particulier les moyennes des trois années de licence de droit, sont au cœur de la sélection en master. A Paris-II-Panthéon-Assas, officiellement, aucune note minimale n’est imposée. « Mais dans les masters les plus sélectifs – droit fiscal, droit des affaires ou droit public de l’économie – si vous venez d’une université de région sans avoir une moyenne de 14 ou 15, l’admission ne sera pas impossible, mais compliquée », reconnaît Stéphane Braconnier, président de cette université.
Les exigences dans les masters les plus prisés – souvent droit des affaires ou droit pénal et sciences criminelles – à Bordeaux, Paris-I-Panthéon-Sorbonne ou Montpellier, sont peu ou prou les mêmes : difficile d’intégrer des parcours avec une forte pression à moins de 13 de moyenne. A Bordeaux, pour les parcours les plus sélectifs, les candidats ayant eu des mentions « bien » ou « très bien » sur l’ensemble de leur licence ont de bonnes chances d’être intégrés d’emblée. Ceux qui sont légèrement en dessous doivent passer un entretien. « Pour ceux qui ont des moyennes entre 12 et 14, on tient compte des résultats dans les matières significatives en lien avec la mention concernée », précise M. Saint-Pau.
Toutefois, les doyens et directeurs de master le rappellent à l’unanimité : chaque dossier est jugé dans sa globalité. Dans toutes les universités, certaines mentions de masters moins convoités sont accessibles à des étudiants qui ont des moyennes inférieures. « Il y a plein d’admis en master qui ont 10 ou 11 de moyenne », assure Guylain Clamour, doyen de la faculté de droit et de science politique de Montpellier.
2 – Un parcours cohérent
Les réorientations ou les redoublements ne sont pas perçus comme des éléments rédhibitoires. « On a le droit de rater, de se réorienter. Si la personne qui a redoublé a réussi à obtenir de bons résultats par la suite, c’est cela que je retiens », confirme M. Saint-Pau.
Farhad Ameli, directeur adjoint de l’école de droit de la Sorbonne, conseille néanmoins, en cas de redoublement, d’en expliquer les raisons dans la lettre de motivation jointe au dossier de candidature. En particulier lorsque des problèmes de santé ont pu survenir. A noter qu’au bout du deuxième redoublement, certains responsables de parcours de masters s’interdisent de sélectionner les candidats.
3 – L’expérience professionnelle : toujours un « plus »
Bien sûr, avoir fait un stage directement en lien avec la formation visée est recommandé. Mais pour M. Clamour, ce n’est jamais un véritable critère de sélection. « Certains étudiants n’ont pas accès aux stages par manque de réseau. Il y a un certain déterminisme social. Cela ne peut pas être un élément bloquant. »
Les expériences professionnelles (jobs d’été, jobs étudiants), même sans lien avec le master demandé, sont toujours un plus. Elles démontrent, selon les responsables que nous avons interrogés, le caractère méritant du candidat. Aussi, le statut de boursier est parfois pris en compte pour veiller à maintenir une certaine diversité sociale, qui tend à décroître au fur et à mesure de la montée dans les études.
4 – Mobilité à l’étranger, un atout mais pas un passage obligé
Les expériences à l’étranger et les échanges universitaires sont une manière de se distinguer parmi les candidats. Nombreux sont les étudiants qui s’interrogent sur la pertinence de partir à l’étranger au cours de leur licence 3 de droit. Jean-Christophe Saint-Pau, de l’université de Bordeaux, distingue deux situations. La première, celle d’étudiants qui ont des dossiers avec des notes moyennes. Pour eux, il estime que la mobilité en licence 3 peut être « handicapante » : il serait préférable qu’ils se focalisent sur l’amélioration de leurs notes pour leur dernière année de licence. En revanche, si l’étudiant a déjà de très bons résultats académiques, « 14 de moyenne par exemple », la mobilité peut se révéler un « avantage » dans son dossier.
5 – L’engagement associatif, de plus en plus valorisé
L’engagement au sein d’associations, qui démontre une aptitude à l’investissement personnel et collectif, est un critère qui prend de l’ampleur dans l’examen des candidatures, et qui est très apprécié par les responsables en charge de la sélection. Ils y voient un moyen de recruter des étudiants engagés, qui souhaitent agir, et qui développent un point de vue sur le monde. « Depuis quelques années on s’est rendu compte qu’on recevait de très bons dossiers, mais, parfois, avec des personnes trop scolaires, trop neutres », explique M. Saint-Pau.
6 – Les candidats « maison » parfois mieux considérés
« On porte un œil un peu plus bienveillant sur les étudiants qui viennent de notre propre université », glisse Stéphane Braconnier, avant d’ajouter, « on en a une meilleure connaissance ». A Paris-I, 60 % à 70 % des étudiants admis en master ont obtenu leur licence au même endroit, comme le confirme Farhad Ameli. Cette même « loi » s’applique également dans d’autres facultés, comme celle de Bordeaux. Dans d’autres universités, on affiche une neutralité sur ce point. « L’université d’origine des candidats en master n’entre pas en compte », précise Nicolas Chifflot, vice-doyen de la faculté de droit de Strasbourg.
SOURCE : LE MONDE